Stade Montois – US Dax. Alain Giresse : « Mont-de-Marsan était une référence, comme le jeu à la nantaise dans le foot » (2024)

Alain Giresse n’avait pas encore fêté ses onze printemps lorsqu’il a «flashé sur Mont-de-Marsan». Il n’avait pas non plus la télévision pour suivre la mémorable finale du championnat de France remportée en 1963 face à l’ennemi dacquois. Ce qui ne l’a pas empêché de connaître ses premiers émois rugbystiques grâce aux mythiques «Abeilles», lui l’élégant milieu de terrain, petit par la taille (1,63m) mais immense par le talent, légende des Girondins de Bordeaux et des Bleus du foot.

L’ex-pilier du «carré magique», champion d’Europe 1984 avec la génération Platini, nous avait confié son amour pour le club landais en décembre 2023, lors des «Oscars du Sport» de notre journal. Quatre mois plus tard, le Stade Montois – dont il regarde «tous les matchs à la télé» – a décidé de réaliser son rêve, en l’invitant pour l’incontournable derby landais face à l’USD, vendredi 26avril, au stade Boniface. Une grande première et la fin d’un regret pour «Gigi» (71ans), qui n’avait encore jamais eu l’occasion de venir «pour du rugby».

Votre passion pour le Stade Montois est-elle née du sacre de 1963?

Oui! À l’époque, le rugby était très régional. Et à Bordeaux, il y avait cette finale Mont-de-Marsan – Dax. Je me souviens encore de la Une de «Sud Ouest», avec «Bala» (Pierre Albaladejo) et «Boni» (André Boniface, décédé le 8avril, NDLR) face à face, ça avait fait «tilt». Il y avait les joueurs, aussi. Les (Guy et André) Boniface, (Christian) Darrouy, (Benoît) Dauga et compagnie… Ça donnait du panache à ce club, à ce rugby tel qu’il était pratiqué. Ça m’est resté! On ne peut pas oublier comme cela des souvenirs que nous avons en soi. Ce derby landais est chargé d’histoire.

Pourquoi avoir plutôt choisi les «Abeilles» des Boniface plutôt que les «Culs Rouges» d’Albaladejo?

Ah, je ne sais pas… Il y a des choses qui sont difficiles à expliquer, qui se font spontanément. Peut-être le titre, ce jeu technique et de création, les deux frères, puis leur héritier Patrick Nadal… Mont-de-Marsan était reconnu comme une école du beau jeu. Le Stade Montois était une référence, comme le jeu à la nantaise dans le foot. Ce sont des clubs qui marquent leur époque dans la façon d’aborder leur sport.

Avez-vous grandi avec cette culture du rugby dans votre environnement familial?

Non, mon père était foot, foot foot! On regardait le Tournoi des V Nations à l’époque, sans plus. Mais quand on est d’une région comme le Sud-Ouest, on cohabite avec le rugby. Plus tard, j’ai eu la chance de croiser des rugbymen. En 1977, l’équipe de France fait une tournée en Amérique du Sud. On se retrouve à Buenos Aires avec l’équipe de France de rugby, qui venait de remporter le Grand Chelem. On a été les voir et, dans notre équipe, certains joueurs regardaient sans trop comprendre, car ils n’étaient pas d’une région où le rugby était pratiqué!

Le lendemain, les rugbymen sont venus nous voir à La Bombonera contre l’Argentine. Le soir, on s’est tous retrouvés pour une soirée entre footeux et rugbymen. C’était sympa (sourire)… Des joueurs de chez nous ont voulu suivre le rythme des boissons, je peux vous dire qu’ils ont été battus à plate couture! Certains n’étaient pas très frais (rires).

Vous n’aviez jamais eu l’occasion de venir voir un match de rugby à Boniface?

Non, mais je l’avais toujours programmé. Je me suis dit «il faut que je le fasse». J’y ai joué, en amical contre des Autrichiens, puis en 1986 un 32^e de Coupe de France contre Toulouse, l’année où on gagne la Coupe de France (il marque le but vainqueur à la 116e contre l’OM en finale, NDLR). Il y avait déjà la statue de Guy (Boniface). Je m’en rappelle, car son accident m’avait marqué. Et quelque temps avant, c’était le frère Albaladejo (Raymond)… Drôles de destins, tout ça.

Avez-vous déjà rencontré vos idoles de l’époque?

Oui, André Boniface. Il était très ami avec Michel Jazy (l’ex-champion de demi-fond décédé à Dax en février 2024). Et j’étais en relation indirecte avec Michel, car on était représentants dans une entreprise de sols sportifs, avec aussi Guy Camberabero. On avait fait connaissance et on était devenus amis. Dans mon village de Langoiran, cette même année, on inaugurait le stade qui allait porter mon nom. Michel Jazy est venu, avec André Boniface! Michel Platini, tous les anciens étaient là. En plus, mon beau-père était fan de Michel Jazy, je l’avais fait venir avec André Boniface chez lui…

«Les Boniface, Darrouy, Dauga et compagnie… Ça donnait du panache à ce club, à ce rugby tel qu’il était pratiqué»

En tant qu’observateur du rugby landais, quel est votre regard sur le derby à venir entre des Montois en retrait par rapport aux deux dernières saisons et des Dacquois promus impressionnants?

Ah, eux, ils sont surprenants! C’est souvent le cas dans les sports collectifs, cette espèce de dynamique qui se prolonge. Mais on dit que ce n’est pas forcément la première année qui est difficile, c’est la suivante. Mont-de-Marsan a eu de superbes années et a dominé ce championnat, même si cela n’a pas pu se conclure. Mais il est toujours là, il n’est pas loin. Ce n’est pas facile de rester toujours en haut. L’important, déjà, c’est que ces clubs-là s’installent dans cette division. Qu’ils n’aillent pas plus bas, car la Pro D2 conserve encore un certain intérêt.

Vous n’imaginez tout de même pas une nouvelle défaite du Stade Montois, après le revers de l’aller (26-22)?

(Rires.) Ça tombe bien, chacun aura sa victoire, comme ça! Mais j’apprécie Dax, je connais bien Pierre Albaladejo ou des garçons comme (Jean-Pierre) Bastiat. J’avais fait des reportages à Dax et une fois, on avait mis une assiette de rugbyman face à une assiette de footballeur. D’un côté, il y avait foie gras, confits, cèpes – vous imaginez à qui elle appartenait – et moi, j’étais avec les carottes râpées, la purée et le steak… Dans le rugby, on ne faisait pas encore attention à la diététique (rires)!